Vivre et mourir et pareidolie
Elias Njima
23.03 - 22.04
2023
Il y a environ de 4 à 2 millions d’années, un.e australopithèque a vu un caillou et y a reconnu un visage. Cet objet suscita son amusement, sa stupéfaction, et d’autres émotions qu’on a oublié, depuis, de ressentir. Quoi qu’il en soit, l’australopithèque emporta le caillou dans sa caverne. C’est ainsi que commence le récit du sens esthétique, avec l’histoire de ce petit caillou de jaspérite qui confirme notre disposition à la pensée symbolique, essentielle à notre développement de l’art et du langage. Notre cerveau est connecté pour être continuellement à l’affût des visages. Imaginez toutes les informations à traiter : est-ce un visage ? Est-ce que je reconnais ce visage ? Et qu’est-ce que ce visage me dit ?
L’esprit possède un outil de reconnaissance faciale intégré, en quelque sorte. Une fois que les traits du visage sont reconnus, ils prennent vie. Souvenez-vous des gargouilles sur la place médiévale, perçues comme moqueuses, imitant les expressions de peur et d’avidité des passant.es et suscitant ainsi l’adhésion à la religion. Pour les drapeaux de Zabriskie, Elias a créé des gargouilles-fleurs perchées au-dessus de nos têtes, qui montent une tendre garde. Les fleurs ont bien un visage, il ne s’agit plus de projection ni d’imitation, mais bien d’anthropomorphisme ; l’adhésion automatisée à l’analogie. Mais comme le dit l’expression : “fleur au fusil”, elles sont peut-être encore, finalement, en train de se moquer de notre naïveté béate. À l’intérieur de l’espace, ce ne sont plus seulement des barils de fusil que l’on remplit de fleurs, mais tout et rien. Autant de potentiel dans l’incarnation d’un visage que dans un vase. Vous êtes arrivés en Pareidolie, entrez. Ici, les oeuvres d’Elias veulent que vous y reconnaissiez ce qui vous est cher et que vous suiviez la lignée des gestes mélodramatiques depuis l’australopithèque.
Photos Jeanne Tullen / Zoé Aubry
Text Yasemin Imre et traduction Jeanne Tullen
Poster Chloé Pannetier
